Le site des Etats Généraux de la Philatélie a été mis en ligne par La Poste, suite à la lettre de Nicolas Sarkozy, rappelons l'extrait en question :
Deuxièmement, je propose qu'elle organise les "états généraux de la philatélie" destinés à engager un débat avec l'ensemble du monde philatélique. Ces états généraux devront, en particulier, définir précisément, d'une part ce qui doit appartenir au programme philatélique, qui fait l'objet d'un arrêté ministériel et se traduit par des timbres émis en quantité raisonnable, et d'autre part ce qui n'est que du timbre d'affranchissement, sans nature institutionnelle comme par exemple, les timbres à message du type "meilleurs voeux".
Les états généraux vont se dérouler en plusieurs étapes.
1) Les thèmes de réflexion (9/11/07 au 20/3/08)Thème 1 : faire un état des lieux du marché de la philatélie aujourd’hui.
On commence donc par parler affaires...
On distingue habituellement 4 acteurs
- La Poste ;
- Les philatélistes (représentés par les associations) ;
- Les négociants ;
- La presse philatélique.
On constate que La Poste concurrence de plus en plus les autres acteurs :
- Création d'un "club des collectionneurs de La Poste" (Timbres plus).
- Dépense élevée chaque année si on veut être "complet" à cause des productions "annexes" de La Poste, diminuant d'autant le budget des collectionneurs.
- Le nouveau mode d'abonnement aux nouveautés s'accompagne de timbres déjà classés, et d'autre part La Poste propose les "livres des timbres de l'année", cela au détriment des ventes de fourniture des négociants (et donc des fabricants).
- Phil'info et son jumeau (dont je ne ma rappelle pas le nom) s'attaquent à la presse philatélique avec l'annonce des nouveautés françaises et des commentaires sur les sujets.
Bref, La Poste fragilise l'ensemble du marché par sa politique commerciale.
Bien sûr, c'est plus compliqué que cela. Ainsi certains négociants ont largement profité de la politique d'émission de La Poste : par exemple en ayant acheté des souvenirs philatéliques à la faciale, soit en revendant des timbres personnalisés ou autres "produits spéciaux". C'est aussi le cas de certaines associations ayant des responsables "nouveautés" très motivés.
Thème 2 : quel avenir pour la philatélie compte tenu des évolutions règlementaires, sociologiques et technologiques ?
C'est un fait, le timbre-poste est de manière générale bien moins utilisé que par le passé : le téléphone et internet permettent de s'en passer le plus souvent ; il n'est tout simplement plus dans la culture des jeunes générations d'écrire des lettres, même si l'écriture en elle même (via les touches d'un téléphone ou le clavier d'un ordinateur) a sans doute tendance à se développer avec les SMS, les messageries instantanées ou l'email.
Pour moi, internet a développé considérablement ma consommation de timbres : pour envoyer mes chèques (avec retard...), mais surtout pour les lettres ou colis que je reçois (achats philatéliques, les autres utilisent des alternatives au timbre).
Je pense que le timbre restera le moyen le plus pratique pour affranchir son courrier : facile à utiliser (encore plus avec les autocollants, même si ces pré-découpes me retardent, c'est parfois compliqué d'éviter d'abimer le timbre...), facile à transporter (avec leur format carte bancaire). Je ne vois pas d'autre moyen plus pratique pour les envois de moins de 20g. Mieux, il faudrait qu'ils soient utilisables pour simplement : avec une réforme des tarifs postaux pour diminuer le nombre d'échelons de poids, et que les tarifs soit des multiples du tarif de base : certains pays l'ont déjà fait.
En 2011, avec la libéralisation totale du courrier, il y a fort à parier que les concurrents de La Poste vont eux aussi émettre des timbres. C'est une révolution annoncée, on ne sait comment vont réagir les éditeurs de catalogue (qui sont prescripteurs).
Thème 3 : quel rôle doit jouer La Poste ?
Mon opinion est simple : La Poste ne devrait pas s'occuper de philatélie. Elle devrait émettre une quantité raisonnable de timbres pour l'affranchissement, sans multiplier les présentations (et en évitant tout particulièrement les produits destinés spécifiquement aux philatélistes) et en évitant les formats incollectionnables (formats trop grands des bloc-feuillets en particulier, insertion de blocs dans les livres, ...).
Les récents "Montimbramoi" sont un exemple de ce qu'il faut éviter. Pas tant sur le principe (2 formats horizontal/vertical, 3 tarifs), mais sur la présence de 2 couleurs différentes (une pour les feuillets de 10, une pour les feuillets de 30), d'autant plus que la couleur doit changer plusieurs fois par an... Il s'agit manifestement d'une manoeuvre destinée à faire commander les collectionneurs plusieurs fois par an...
Thème 4 : quel avenir pour la lettre ?
Si le colis ne semble pas menacé, à moyen terme la diminution des lettres devrait continuer... C'est l'évolution depuis l'invention du téléphone, les mobiles et internet ne faisant qu'accentuer cette tendance : j'ai du mal à croire que l'on puisse aller contre...
2) La commission (10/11/07 au 10/3/08)La commission (Pierre Jullien et Pierre Morville) va écrire le rapport final, à partir d'études et d'interview, et à partir du forum dédié sur le site.
Pierre Jullien est bien connu des philatélistes (ancien du Monde des Philatélistes et de Timbres Magazine) qui peuvent le retrouver dans sa chronique philatélique hebdomadaire du Monde et sur son
blog.
Pierre Morville est actuellement chargé de mission chez France Telecom, c'est aussi un syndicaliste à la CGC (à moins d'un homonyme...), il a fait de la communication de crise sur le
Gaucho (accusé de tuer les abeilles).
3) Le forum sur internet (20/12/07 au 20/2/08)Les inscriptions étaient ouvertes, je n'ai jamais reçu mon identifiant, mais maintenant cela semble fonctionner à peu prêt.
Il s'agit pour les particuliers de "s'exprimer sans tabou, sans arrière-pensée sur la nécessaire évolution du loisir de la collection de timbres et de la philatélie."
La parole est donc aux internautes philatélistes !
Qu'attendre de ces états généraux ?Comme le souligne
Claude Jamet, c'est La Poste qui mène la danse. Je suis perplexe, je
pense que le but de cette consultation est de rendre La Poste plus libre dans ce qu'elle peut émettre, avec quelques aménagements mineurs (comme l'augmentation du nombre de timbres en taille-douce).
Je n'ai pas de solution miracle pour que la philatélie se développe, je ne pense pas qu'il y en ait.
Je rencontre surtout 3 types de collectionneurs :
- les personnes sensibilisées au timbre, qui ont une petite collection faite des timbres récupérés sur le courrier par eux ou des connaissances, des timbres achetés à l'unité à La Poste. C'est ainsi que l'on commence.
- les collectionneurs abonnés à La Poste, qui cherchent à remonter dans le temps.
- les collectionneurs spécialisés.
Les premiers sont importants, car ce sont ceux qui peuvent devenir les philatélistes de demain.
Les deuxièmes sont les seuls qui intéressent réellement La Poste, qui dans son langage parle de "philatéliste" pour désigner les abonnés aux nouveautés (je ne suis donc pas philatéliste !). Ils intéressent aussi les marchands locaux, les fabricants de matériel philatélique, les éditeurs. Une partie adhère à des associations philatéliques, dont la plupart est à la fédération.
Les derniers sont ceux qui intéressent les marchands spécialisés (ceux qui vendent par le biais de ventes sur offre ou à prix nets en particulier).
Comment devient-on collectionneur de timbres ?
Il faut avoir le gène collectionneur, et donc apparemment un problème psychologique :-)
Et il faut le motif et l'occasion !
Le motif est varié, je définirais 3 catégories de collectionneurs :
- Les thématistes : c'est à travers le sujet qu'il est amené à la collection. Ils aiment les chats, les chevaux, l'histoire, une région, ... et c'est cet intérêt qui l'amène au timbre.
- Les esthètes : un timbre, cela peut être une oeuvre d'art, ou reproduire une oeuvre d'art.
- Les puristes : ils aiment le timbre pour comment il est fabriqué, à quoi il sert. C'est la même démarche pour ceux qui s'intéressent à d'autres catégories d'objets postaux (marques postales par exemple).
Quand à l'occasion, c'est souvent un courrier reçu ou un timbre offert.
Donc pour amener au timbre, il faut des timbres susceptibles d'intéresser, beaux, et servant sur le courrier !
Il ne faut pas :
- des sujets qui ne pourront pas faire de beaux timbres (exemples 2006 : l'intégration, la fondation La Poste, la mémoire partagée, ...).
- des présentations inutilisables (bloc la France à voir, ou les timbres Spirou qui devraient tous être au tarif de la lettre intérieure).
- des traitements de sujet qui laissent indifférents (tient, le bloc la France à voir avec son esthétique banale de carte postale).
Ca va dans le bon sens (à mon avis) :
- les timbres anniversaire, meilleurs voeux, vacances, ... idéaux pour les envois de cartes d'anniversaire, de meilleurs voeux, ou en vacances ! Je sais que les philatélistes ne sont pas d'accord !
- le carnet sourire, c'est amusant.
- le grotte de Rouffignac, Constantin Brancusi, les machines volantes. Il en faudrait plus !
Ensuite, il ne faut pas s'aliéner les abonnés. Les timbres semi-permanent, par exemple, ne plaisent pas aux esthètes ni aux collectionneurs de sujet. Ce sont des timbres utilitaires "à message", il rendent d'autres services. Mais pourquoi s'agit-il d'une série à chaque fois et non pas d'un seul timbre, et pourquoi sont-ils déclinés sous autant de présentations ? Est-il nécessaire de les émettre tous les ans ?
Les divers émissions "spéciales" de La Poste sont aussi un point de crispation. Il y avait un service pour les télécartes : tout était disponible pour les collectionneurs, y compris les tirages privés. Ce loisir a quasiment disparu, à cause des émissions pléthoriques et par l'obsolescence de ces cartes (à cause des téléphones portables : le collection des cartes de recharges des portables n'a pas pris le relais).
Pour que le timbre soit visible, le mieux est qu'il soit utilisé. Mais c'est la télévision, la presse et internet qui sont les médias les plus vus... Une émission sur la philatélie financée par La Poste (c'est cher, elle est la seule capable de le faire) est une nécessité si l'on veut que la philatélie soit "grand public". Il faut noter l'initiative dans ce sens de Timbre Magazine, mais l'audience est à peut prêt limitée aux lecteurs de ce magazine (à voir l'
interview de Jacques Bidet, un ancien collègue d'Aphilacart qui possède une merveilleuse collection sur Heny Cheffer, même si le collectionneur est encore plus passionnant en vrai !).